vendredi 9 juin 2017

L’Arabie va-t-elle envahir le Qatar ?


"Méfiez-vous des Arabes [du Golfe ]. Il se disent rois et princes mais, en réalité, ce sont des traîtres de père en fils
Président Haouari Boumediene
Nous avons vu, dans "Le Cauchemar du Qatar", que contrairement aux affirmations officielles américano-saoudiennes, les raisons de la crise entre le Qatar et l'Arabie saoudite ne tiennent pas au soutien qatari apporté aux terroristes islamistes en Tunisie, en Libye, en Syrie, au Yémen, en Irak et ailleurs, mais à deux autres facteurs : 1) L’appel au meurtre émis par le Qatar contre le président Trump; et 2) Le rapprochement du Qatar avec l'Iran.  
Or, ce rapprochement du Qatar de l’Iran n’est pas du à des affinités politiques ou religieuses, mais à l’intérêt des deux pays pour l’exploitation du plus grand gisement de gaz dans le monde. En criant "haro sur le vilain petit Qatar", l’Arabie Saoudite et ses vassaux du Golfe veulent tout simplement voler au Qatar sa fantastique richesse. Cette razzia, bien ancrée, depuis la nuit des temps,  dans les traditions bédouines des Saoudiens, ne pourra pas se faire sans une guerre contre l’Iran.
Les Saoudiens accusent le Qatar de soutenir des terroristes. C’est comme si la Grande-Bretagne accusait les États-Unis d’impérialisme, ou si la mafia rompait ses liens avec une bande de voyous pour cause de gangstérisme. Comme l’a remarqué Joe Biden (vidéo), deux pays wahhabites, le Qatar et l’Arabie saoudite, ont financé et alimenté le terrorisme en Syrie, en Irak et ailleurs. Mais le point de vue saoudien est que le Qatar, plus « libéral », soutient simplement le « mauvais » genre de terroristes.
Le gouvernement qatari et son organe de propagande, Al-Jazeera, ont installé et soutenu le gouvernement des Frères musulmans en Tunisie et en Égypte. Le Qatar soutient le gouvernement turc, proche des Frères musulmans. Il soutient le Hamas palestinien, également affilié aux Frères musulmans. Le Qatar finance divers groupes alignés sur al-Qaïda en Libye, en Syrie et en Afghanistan. Les talibans ont établi leur unique mission diplomatique à Doha. 
Jusqu’à récemment, les Saoudiens finançaient ISIS/Daech. Ils financent maintenant divers autres groupes djihadistes en Syrie, sous le contrôle de la CIA. Les Émirats arabes unis parrainent le général libyen Haftar, qui lutte contre des groupes alignés sur al-Qaïda, soutenus par le Qatar. Les Saoudiens sont main dans la main avec Israël et n’ont aucun intérêt pour la cause palestinienne, alors que le Qatar la soutient.
Les ingrédients de l’escalade dans le conflit autour du Qatar indiquent, comme le font remarquer nombre d’observateurs, que l’on pourrait être dans le dernier quart d’heure qui précède une confrontation armée.
Le Qatar a fait appel au soutien armé de la Turquie, qui y répondu positivement. « Le Qatar n’avait jamais connu autant d’hostilité de la part d’un pays ennemi que celle que lui témoigne l’Arabie saoudite », a déclaré le ministre qatari des Affaires étrangères, Mohammed ben Abderrahmane Al Thani, en annonçant que les forces turques seraient envoyées au Qatar afin d’assurer la sécurité de toute la région, a rapporté Fars News.
En outre, les derniers développements qui ont suivi le double attentat commis par Daech à Téhéran montrent qu’en cas de conflit, l'Iran se mettra de la partie contre l’Arabie Saoudite.  Cette éventualité apparaît à la lecture du communiqué du Corps des gardiens de la Révolution islamique (CGRI), dans lequel l’Iran accuse l'Arabie Saoudite d'être derrière cet acte criminel. Le CGRI a annoncé une vengeance contre «les terroristes, leurs complices et ceux qui les soutiennent».
En cas de conflit, il est claire que Téhéran et Ankara aideront le Qatar.
L’Amérique pousse l’Arabie Saoudite contre l'Iran et le Qatar
Le président Donald Trump a donné son feu vert aux Saoudiens, lors de la réunion au sommet avec les chefs d’état musulmans, parce que l’émir du Qatar participait au complot du « Deep State » américain pour l’assassiner [voir USA. "Deep State" contre Trump : "Marteau Noir" et "Palpatine du Qatar»]. De son côté, le secrétaire d'État, Rex Tillerson, avait des liens étroits avec la famille royale saoudienne au cours des 15 ans durant lesquels il était président et chef de la direction d'Exxon.
L’image contient peut-être : 5 personnes, personnes debout
Si les Saoudiens envahissent le Qatar, ils seraient également soutenus par l'Égypte (qui dépend financièrement de l’Arabie), les Émirats Arabes Unis, et, en particulier, Bahreïn qui accueille la Cinquième Flotte américaine dans le golfe Persique.
Les Saoudiens ont trois objectifs
1. Faire entrer le Qatar dans une relation de dépendance comparable à celle du travail des esclaves.
2. mettre la main sur les réserves massives d'espèces du Qatar.
3. Contrôler les gisements de gaz du Qatar, afin de contrer l’Iran et la Russie, tout en s’appropriant l’essentiel des revenus.
Rappelons que l'une des raisons de la longue guerre en Syrie n’est autre que le pipeline qui devait relier le Qatar à l’Europe, via la Syrie et la Turquie. 
Note the purple line which traces the proposed Qatar-Turkey natural gas pipeline and note that all of the countries highlighted in red are part of a new coalition hastily put together after Turkey finally (in exchange for NATO’s acquiescence on Erdogan’s politically-motivated war with the PKK) agreed to allow the US to fly combat missions against ISIS targets from Incirlik. Now note which country along the purple line is not highlighted in red. That’s because Bashar al-Assad didn’t support the pipeline and now we’re seeing what happens when you’re a Mid-East strongman and you decide not to support something the US and Saudi Arabia want to get done.
Les raisons pour lesquelles le gaz naturel est la source de la discorde entre le Qatar et ses voisins, sont nombreuses et commencent en 1995, lorsque la minuscule péninsule du désert était sur le point de faire son premier chargement de gaz naturel liquide dans le plus grand gisement du monde : le North Field offshore, qui fournit pratiquement tout le gaz du Qatar, et qui est partagé avec l'Iran, le rival détesté de l'Arabie saoudite.
La richesse qui en a suivi a transformé le Qatar en non seulement la nation la plus riche du monde, avec un revenu par habitant annuel de 130.000 $, mais aussi le plus grand exportateur de GNL au monde. L'accent mis sur le gaz l'a séparé de ses voisins producteurs de pétrole dans le Conseil de Coopération du Golfe et lui a permis de sortir de la domination par l'Arabie saoudite. En outre, la production de gaz naturel du Qatar a été "sans empiètement"  et sans pression politique de l'OPEP, ce cartel pétrolier dominé par l'Arabie saoudite.
Et  l’opportunité de couper les ailes au « vilain petit Qatar » est venue avec la récente visite du président américain Donald Trump en Arabie saoudite, lorsqu'il a appelé ses vassaux arabes du Golfe à isoler l'Iran, et par conséquent à punir tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, ont des relations avec l’Iran, et qui ne sont pas suffisamment puissants pour se défendre (Russie, Chine).
Or, la demande de gaz naturel pour produire de l'électricité a grandi dans tous les États du Golfe. Ils doivent recourir à des importations de GNL car le coût du gaz importé du Qatar est moins élevé que son extraction chez eux. En effet, les coûts d'extraction du gaz au Qatar sont les plus bas du monde.
Cette richesse du Qatar lui a permis de développer des politiques étrangères qui ont mis à feu et à sang la Syrie, l’Irak, la Libye, sans oublier l’Algérie, la Tunisie et l’Égypte. Dans ces deux pays, naguère touristiques, les attentats meurtriers commis par les protégés du Qatar, les Frères Musulmans, ont chassé les touristes et ruiné l’économie. Pour sa survie, l’Égypte est obligée de tendre la main à l’Arabie Saoudite. Quant à la Tunisie, toujours aux mains des islamistes, elle brade ses meilleures entreprises en les vendant à vil prix au …Qatar. Comme quoi, le terrorisme paie. Non seulement il enrichit les oligarques occidentaux des armes et du pétrole, mais aussi les potentats orientaux que sont les émirs. Les morts qui tombent chaque jour en Orient et en Occident ne sont que des dommages collatéraux, dont les élites euro-atlantiques et les potentats arabes n’ont « rien à cirer » malgré leurs larmes de crocodile.
Et surtout, le gaz a poussé le Qatar à promouvoir une politique régionale d'engagement avec l'Iran chiite pour assurer la source de sa richesse.
Les voisins du Golfe s’attendaient à ce que le Qatar leur vende du gaz à un prix réduit. 
Non seulement il ne l’a pas fait, mais en 2005, la Qatar a déclaré un moratoire sur le développement du gigantesque gisement gazier de North Field, qui aurait pu fournir plus de gaz pour l'exportation locale, ajoutant aux frustrations de ses voisins. Le Qatar avait alors déclaré qu'il fallait vérifier comment le champ répondait à son exploitation, en niant qu'il se pliait en réalité aux injonctions de l’Iran,  qui avait été beaucoup plus lent à tirer du gaz de son côté du champ partagé. Ce moratoire de deux ans a été levé, dix ans plus tard, lorsque l'Iran a atteint, pour la première fois, le même taux d'extraction que le Qatar. 
Aucun texte alternatif disponible.
En l'an 814 avant JC : à gauche le Qatar, à droite Carthage

Trump est tombé dans un piège saoudo-israélien. Les faucons du Pentagone ont rêvé d’une « OTAN arabe » pour lutter contre l’Iran. L’« OTAN arabe » envisagée pourrait bientôt étrenner sa première guerre, mais ce sera contre l’un de ses membres. 
Ainsi, l’opération initiée par les États-Unis et par l’Arabie Saoudite pour faire rentrer dans le rang le Qatar pourrait avoir un résultat contraire en permettant à l’Iran de renforcer sa position dans la région et en accentuant l’éloignement de la Turquie de ses anciens alliés, avec la constitution d’un axe Ankara-Téhéran centré sur Moscou. Ce qui, en définitive, pourrait neutraliser l’apport du Qatar à l’alliance pro-américaine, alors que l’Émirat abrite la principale base aérienne américaine dans la région, près de Doha, où environ 10.000 militaires sont stationnés.

VOIR AUSSI : 

Hannibal GENSERIC